Une bande dessinée scientifique pour repenser les changements climatiques

5 juin 2025

Jean-Frédéric Morin, membre de l’École supérieure d’études internationales et professeur titulaire au Département de science politique, sort des sentiers battus avec la publication d’une bande dessinée scientifique coécrite avec Jamie Michaels, doctorant en création littéraire à l’Université de Calgary. Intitulée Assets and Ashes: Wildfire management and the politics of climate change, l’œuvre paraît dans la revue Earth System Governance, une première du genre pour cette publication scientifique.


Mêler science et art pour mieux rejoindre les publics
« Depuis plusieurs années, je réfléchis à de nouvelles façons de communiquer mes recherches. La bande dessinée s’ajoute aux vidéos et aux sites Web interactifs que j’ai déjà explorés », explique Jean-Frédéric Morin. L’idée d’utiliser la BD comme médium est née d’une collaboration singulière : lors d’un séjour à Mushuau-nipi, territoire ancestral innu, à l’été 2023, les deux co-auteurs ont échangé sur leurs parcours respectifs. L’un est chercheur en politique de l’environnement, l’autre est un ancien pompier forestier qui est maintenant écrivain et réalisateur. De cette rencontre est née une œuvre qui conjugue rigueur scientifique et narration graphique.


Une BD fondée sur des recherches 
Sous ses airs humoristiques, Assets and Ashes repose sur une base scientifique solide. « On a commencé comme pour un article scientifique : on a fait des recherches sur la sociologie des pompiers forestiers, les politiques climatiques, la gestion des forêts », détaille Morin.

L’un des propos centraux de l’œuvre est cette idée de boucles de rétroaction entre systèmes naturels et humains. À titre d’exemple, plus le réchauffement climatique s’accentue, plus ça fait fondre le pergélisol, ce qui libère plus de carbone, et a une incidence sur les changements climatiques.


Une démarche artistique assumée
La forme même de la bande dessinée renforce le message. « Il y a une circularité visuelle dans la lecture, qui reflète les cycles naturels et socioéconomiques qu’on explore. Les images parlent autant que le texte », note Morin. Les niveaux de lecture sont multiples : sous les gags, on trouve des couches d’interprétation implicite, contraire à la façon de rédiger un article scientifique. 

Pour ne pas surcharger le récit, les références scientifiques ont été reléguées à un épilogue à la fin de la BD — une demande des évaluateurs et du comité de rédaction de la revue, qui ont reconnu le caractère novateur de la proposition.


Une audace éditoriale saluée
La publication dans une revue évaluée par les pairs donne au projet une dimension provocatrice. « On l’a fait pour secouer un peu les pratiques et les institutions universitaires, qui sont parfois figées. Les revues scientifiques ont un rôle à jouer dans l’animation des communautés de recherche, pas seulement comme gardiennes du savoir. »

Les premières réactions sont enthousiastes. « Ce que j’entends le plus, c’est : "C’est cool!" Et plusieurs collègues me disent qu’ils vont l’utiliser dans leurs cours. Comme pédagogue, je trouve ça génial. Ça ouvre la porte à des conversations intéressantes en classe. »


Vers une meilleure intégration des arts en sciences sociales
Cette expérience a aussi soulevé des défis techniques et juridiques : qualité d’image, droits d’auteur, représentation de personnages... Des enjeux que l’on ne rencontre pas habituellement dans le monde de la diffusion scientifique. Le professeur Jean-Frédéric Morin en appelle donc à une plus grande ouverture de la part des institutions et de ses collègues : « J’encouragerais d’autres chercheurs en sciences sociales à combiner leur travail avec les arts. Il y a beaucoup à gagner à croiser les disciplines. »
 

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